samedi 24 novembre 2018

U comme USINE


Dans le cadre du #ChallengeAZ2018 je vous parle aujourd'hui de l'usine des Forges de l'Adour qui a eu une très grande importance dans ma vie et dans la vie locale de Boucau et de Tarnos.

L’Usine des Forges de l'Adour est importante pour ma famille, car y ont travaillé, mon grand-père maternel : Léon SAN ESTEBAN, mon arrière-grand-père paternel : Bernard Gustave DUPUY ; mon père : Claude CAZAUX; des cousins germains: les enfants de Zélie DUPUY épouse LARTIGUE. De plus sans l'usine mes parents ne se seraient jamais rencontrés.
Un peu d'histoire locale. Boucau vient du gascon « Boucaou » qui signifie Bouche, embouchure. En effet c'est à cet endroit dépendant de la commune de Tarnos, que fut réalisée la nouvelle embouchure de l'Adour en 1578 par l'ingénieur Louis de Foix (le constructeur du phare de Cordouan). L'endroit s'est appelé Boucau et l'ancienne embouchure s'est appelée Vieux-Boucau (qui existe toujours dans les Landes). En 1854 est inaugurée la voie de chemin de fer de Bordeaux à Bayonne, avec une gare à Boucau. En 1857, les parcelles cadastrales C et D de Tarnos sont dissociées de cette commune pour constituer la commune de Boucau. C'est en 1881 que commença la construction des Forges de l'Adour, elle avait été décidée par la Compagnie des Hauts-Fourneaux, Forges et Aciéries de la Marine et des Chemins de fer, et initiée sous l'impulsion de Monsieur Claudius Magnin. C'était une aciérie Bessemer, laminant les rails. La région de Bayonne avait été choisie car elle permettait de recevoir par eau les charbons anglais et les minerais espagnols, la Compagnie du Midi apportait sa clientèle et l'éloignement des autres centres producteurs de l'Est assurait une certaine sécurité de débouchés. 
Photo des Forges vers 1940 (collection personnelle)

En 1883 sortait le premier rail, en 1891 l'usine recevait la visite du Président de la République Sadi Carnot. Le programme initial s'est révélé judicieux et jusqu'en 1914, les Forges de l'Adour ont fourni tous les rails du réseau du Midi, et d'un grand nombre de réseaux d'intérêt local ou étranger. Cette usine employait à la fin du 19ème et jusqu'à la moitié du 20ème, entre 1800 et 2200 ouvriers. 
Photo des ouvriers des Forges début 20ème siècle (collection personnelle)

A l'aciérie Bessemer s'est ajouté très vite une aciérie Martin. Pendant la guerre de 14, l'usine comme toute la sidérurgie est appelée à l'effort maximum. Elle est d'ailleurs bombardée par un sous-marin allemand en 1917.
L'entrée de l'usine vers 1900 (collection personnelle)
Les impacts du bombardement par le sous-marin allemand sont indiqués

La période d'après-guerre voit s'amorcer, pour les Forges de l'Adour, un changement sérieux d'orientation. L'acier Bessemer disparait après 1925, les fournitures de rails au chemin de fer d'intérêt local cessent. La compagnie du Midi fusionne avec la compagnie Paris-Orléans, qui achetait ses rails ailleurs ; la concurrence des aciéries du nord-est devient plus forte. L'usine doit donc rechercher les débouchés de son aciérie et des laminoirs sans d'autres fabrications. Ce sont surtout les aciers au carbone de qualité et les aciers spéciaux.
Considérée comme non rentable, l'usine fermera ses portes le 5 juillet 1965.
De nombreux mouvements sociaux ont ponctué l'histoire des Forges de l'Adour. Dès 1897, un meeting avec le célèbre porte-parole socialiste Jules Guesde est organisé à Boucau, il débouchera sur la création du premier syndicat des ouvriers métallurgistes. D'autres mouvements sociaux auront lieu de 1906 à 1918, mais l'histoire ne va retenir que les deux plus emblématiques en 1920 et 1930. La grève de 1920 dure une cinquantaine de jours, le syndicat ouvrier organise des soupes populaires afin d'assurer aux grévistes une nourriture de base. Aucune revendication n'est satisfaite et le mouvement entraine le licenciement de près de 300 ouvriers dont tous les dirigeants syndicaux. 
Soupe communiste en 1920 (collection personnelle)

Une nouvelle grève éclate en 1930 et paralyse l'usine pendant un mois. Les forces de l'ordre interviennent, Boucau et Tarnos sont en état de siège, occupées par 800 gardes mobiles. L'état de siège est déclaré pour empêcher les manifestations. Il y a de nombreuses bagarres. Les maires de Boucau et de Tarnos sont révoqués et les militants syndicaux emprisonnés. Comme pour la précédente grève, les revendications ne sont pas accordées et de nombreux ouvriers sont révoqués.

Malgré leur échec, ces luttes ouvrières renforcent la solidarité des travailleurs qui garderont un certain orgueil d'avoir mené un difficile mais juste combat pour leur dignité. Ils réussiront même, en 1936, à placer la direction des Forges sur la défensive, négociations et revendications seront alors satisfaites.
Cette solidarité sera nécessaire pour un plus grand combat. Le 27/12/1962, la direction annonce la fermeture des Forges de l'Adour. Les ouvriers vont se battre pour obtenir de la direction et des pouvoirs publics la création d'une zone industrielle. 
Articles tirés du Sud Ouest de 1964

Cette reconversion est une réussite et en l'espace de deux années, tous les ouvriers trouvent un emploi dans les nouvelles usines de remplacement. Mon père et d'autres membres de la famille trouveront un emploi en particulier dans la société Turbomeca (constructeur de turbines d'hélicoptères).

Bibliographie succincte:

Documentation personnelle
Livre Boucau et Tarnos en images (éditions Sutton) par Jean-Pierre CAZAUX
Les Forges de l'Adour par Jacques Verges
Blog de Jean-Pierre CAZAUX: Histoire (s) de Boucau 
https://jeanpierrecazaux.blogspot.com


1 commentaire:

  1. L’aciérie Bessemer concurrencée par les aciéries du nord-est... les aciéries du nord-est concurrencée ensuite par celles d'Europe de l'est et d'Amérique du sud... un triste recommencement.
    J'ai retrouvé ce document. J'imagine que vous l'avez déjà, mais ne sait-on jamais :
    https://www.persee.fr/doc/rgpso_0035-3221_1960_num_31_1_1577

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